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Depuis la pandémie du coronavirus, les institutions se sont recentrées sur les notions d’hygiène et il y a fort à parier que les animations jeux vidéo se retrouvent rapidement pointées du doigt. En effet les manettes, claviers et écrans tactiles sont bien souvent des nids à microbes, puisqu’on les manipule avec nos vilaines mains pleines de doigts, comme diraient nos grand-mères. C’est d’ailleurs ces mêmes grand-mères qui se lèchent les doigts pour pouvoir plus facilement tourner les feuilles de leur journal, livres ou magazines et il faudra certainement leur apprendre à elles aussi à avoir les mains propres, mais ceci est une autre histoire. La question est à présent de savoir comment les bibliothèques, médiathèques, centre de loisirs et autres institutions publiques vont pourvoir proposer de la médiation culturelle vidéoludique en toute sécurité. Faute d’avoir la solution magique à ce problème, voici quelques pistes à creuser avant de bannir complètement les jeux vidéo de vos animations.

Ressortez les vieilles consoles des placards

La manette c’est vous

Périphérique parfois oublié de la Xbox 360 et pourtant encore diablement efficace, le Kinect de Microsoft avait pour slogan “La manette c’est vous” et proposait aux joueurs d’utiliser tout leur corps pour jouer, au lieu d’une manette pour contrôleur.

S’il n’est plus nécessaire d’utiliser de manette pour jouer, on réduit ainsi considérablement le risque de propagation de germes. Reste cependant le problème de la distanciation sociale, en effet le champ de la caméra du Kinect demandera aux joueurs de se rapprocher pour jouer à plusieurs devant l’écran. Il faudra alors bannir le multijoueur en simultané et opter pour un roulement de participants. Fort heureusement de nombreux jeux proposent un système de score permettant d’organiser une petite compétition entre des joueurs passant tour à tour. Si Just Dance est un classique du genre, il reste cependant un jeu de danse, et viendra rebuter une partie du public, ayant peur de paraître ridicule. Je vous conseille plutôt un titre comme Fruit Ninja Kinect, permettant des sessions de jeu très courtes (idéal en cas de nombreux joueurs) tout en touchant un public plus large, plus mixte et plus intergénérationnel. Ayant utilisé ce jeu à plusieurs reprises lors d’animation pour mes clients, je peux vous assurer de son efficacité et son succès. Celui-ci est malheureusement uniquement disponible en dématérialisé. Si vôtre structure ne permet que l’achat de jeux physiques, vous pouvez vous rabattre sur Kinect Adventures, qui fonctionne lui aussi à merveille avec les familles.

Une xbox 360 d’occasion accompagnée d’un Kinect peuvent encore se trouver en boutique spécialisée. Certaines d’entre elles acceptant d’ailleurs les bons de commandes si votre administration n’est pas très souple. Mais les boutiques spécialisées se faisant rares en dehors des grandes villes, pensez aussi à jeter un oeil au Cash du coin qui aura peut-être ça en stock également.

L’Eye Toy

Bien moins connu, l’ancêtre du Kinect est l’Eye Toy, une caméra disponible chez les consoles du constructeur SONY cette fois-ci.

Bien moins facile à trouver, et proposant des jeux moins intéressant que Kinect, l’Eye Toy reste tout de même une alternative si jamais l’un des membres de votre équipe, ou un ami, a cet accessoire qui traine à la maison. Si tel n’est pas le cas mais que vous avez une PlayStation 2 à disposition, un Eye Toy ne vaut que quelques euros sur les sites de petites annonces, et les jeux compatibles tout aussi bon marché. C’est aussi une façon de valoriser votre vieille TV cathodique qui traine aux archives. La PlayStation 2 n’ayant pas de port HDMI, il vous faudra en effet une télévision comportant une prise péritel ou au minimum du RCA (les 3 connecteurs rouge, jaune et blanc).

Utilisez le téléphone des joueurs

Les caméras c’est très rigolo mais ça demande tout de même de la place au sol pour fonctionner correctement. Et puis tout le monde n’a pas un corps fait pour l’activité physique, moi le premier. Une autre façon de se passer de cette vilaine manette à se partager consiste à utiliser les objets personnels de vos joueurs. Alors même si vous pouvez demander à chaque joueur d’apporter sa propre manette pour jouer à FIFA, vous allez vite en avoir assez de passer votre temps à synchroniser des manettes. Il faudrait de plus que chaque joueur dispose déjà d’une manette sur la console qui vous arrange, ce qui limitera grandement le public potentiel de vos animations. Heureusement il existe un objet que presque tout le monde possède dans sa poche : un téléphone portable.

Si vous disposez déjà d’une PlayStation 4 dans votre service, voilà venu l’occasion d’y faire tourner autre chose qu’un FIFA. La console de SONY propose en effet toute une gamme de jeux, nommée PlayLink, permettant d’utiliser le téléphone des joueurs comme contrôleur du jeu.

On y retrouve des adaptations de jeux de société connus comme UNO ou les aventuriers du rail par exemple. Certains d’entre eux existent en version physique et se trouve facilement en boutique spécialisées. Mais il vous est aussi possible de les acheter en dématérialisé via le PStore.

Si vous n’avez pas de PlayStation 4, pas de panique. D’autres alternatives reposant sur le même principe existent sur d’autres supports. C’est le cas de Use your Words disponible sur PC, PS4, Xbox One et Switch, soit à peu près tout ce qui existe de récent en fait. Le jeu est aussi drôle à jouer qu’à regarder, et pourra en plus des 6 joueurs possibles, amuser un nombre bien supérieur de spectateurs. Les règles sont assez simples, et se divisent en 4 types de “niveaux” :

  1. Une toute petite séquence vidéo en noir et blanc passe à l’écran et c’est à chaque joueur de proposer un sous-titrage de son invention.
  2. Une photo est affichée et chaque participant doit proposer son titre de Une du journal en rapport avec la photo.
  3. Une phrase est à compléter par les propositions de chaque joueur.
  4. Un mode sondage vous demandant de faire appel à votre créativité pour inventer de nouveaux mots, slogans ou expressions.

Après la proposition secrète de chaque joueur, les réponses sont révélées, et chaque participant vote pour la réponse qui l’a le plus amusé. Chaque vote rapportant un nombre de points au créateur de la réponse. En cas de panne d’inspiration un bouton permettant de générer une réponse automatique (mais crédible) vous sortira d’affaire, d’autant plus que chaque votant pour une réponse automatique subira un malus de score.

Bien que la bande-annonce ici présente soit en anglais, le jeu est disponible en français, et est même plutôt bien traduit et adapté pour un jeu basé sur le langage. Pour y avoir beaucoup joué, je peux vous assurer des fous rires garantis pour les joueurs tout comme les spectateurs.

Pensez bricolage et contrôleurs alternatif

Lorsque l’on parle de tablette ou smartphone, on pense immédiatement au tactile alors que l’appareil regorge de contrôleurs sous-estimés. Benoit Freslon, développeur français du génial Enigmbox appelle cela “penser en dehors de la boite” et explore les possibilités ludiques de chaque fonctionnalité de nos téléphones au travers de son jeu. En tant qu’animateur c’est aussi à vous de chercher comment penser “out of the box” et créer vos installations.

Voici un petit exemple pour illustrer un peu mon propos.
Pour cette installation nous aurons besoin :

  1. D’un appareil Android sur lequel installer le jeu gratuit Chicken Scream.
  2. Un chromecast pour diffuser l’écran de votre appareil sur un autre plus grand.
  3. Un écran (télévision ou vidéoprojecteur) permettant de connecter un chromecast (en gros un port HDMI).
  4. Une seule personne pour manipuler le téléphone.
  5. Un groupe de joueurs.

Installer préalablement le chromecast sur l’écran afin de diffuser l’image en grand. Puis dans Chicken Scream, lancez un niveau et réglez la sensibilité du micro selon l’acoustique de la pièce. Inviter ensuite vos joueurs à faire du bruit en cœur pour jouer, ou à faire un niveau chacun leur tour (à vous de définir vos propres règles).

Bien que le jeu n’ai pas été conçu pour une telle utilisation au départ, un tout petit peu de bricolage permet de l’adapter à vos besoin en faisant disparaître le contact entre la tablette et les différents joueurs. Il faudra néanmoins une personne afin de pouvoir manipuler l’appareil entre les niveaux.

Si vous avez la chance d’avoir une équipe de bricoleurs à disposition, un fablab à proximité ou que vous êtes dans un tiers-lieu qui intègre déjà une philosophie créative numérique, vous pouvez aller plus loin avec un Makey Makey et créer votre propre contrôleur. La conception même du dispositif peut même faire une animation à part entière avec des enfants, se tourner vers du participatif (chacun amène sa banane pour jouer avec et repart avec), ou exploiter l’utilisation de l’espace (transformer les marches d’escalier de votre établissement en piano).

Cette solution demande plus de ressources et de connaissances mais sera aussi plus originale et surtout plus facilement personnalisable.

Revisiter la lecture publique

Je m’adresse ici plus spécialement à mes clients et copains (coucou toi, oui je sais que tu souris derrière ton écran, on se voit bientôt ne t’inquiète pas) travaillant en bibliothèque. Le jeu vidéo s’est intégré petit à petit dans vos structures, pour côtoyer vos rayonnages de livres. Beaucoup d’entre vous ont compris l’aspect transversal du média, plutôt que de le mettre en contradiction avec le livre. Mais il n’est pas aussi sûr que vos usagers en aient conscience.

Quand j’étais petit, la bibliothèque de mon quartier proposait les mercredis matins des lectures par un des bibliothécaire auprès des enfants. Bien que cette pratique ai disparue dans mon village natal, je sais que certains établissements pratiquent encore aujourd’hui “L’heure du conte”. Les conteurs sont en effet de magnifiques raconteurs d’histoires, et que cette histoire provienne d’un livre, d’une tradition orale ou d’un jeu vidéo ne devrait pas faire grande différence.

En s’appuyant sur des jeux très narratifs, il est tout à fait possible de créer un temps de lecture publique et collectif. Le jeu vidéo permettant en plus d’apporter une dimension participative à l’histoire. Le studio français Nova-box propose par exemple plusieurs histoires se prêtant tout à fait à l’exercice. En effet bien que l’on appelle leurs productions des jeux vidéo, il s’agit en fait de lecture interactive ou le joueur ne fait que lire, et prendre des décisions influant sur l’histoire, le tout agrémenter de magnifiques visuels. Donnez le jeu Seers Isle à un conteur, et inviter le à demander aux auditeurs ce qu’ils désirent répondre. Vous obtiendrez une immersion encore plus forte de vos usagers à l’histoire. Car écran ou non, il ne s’agit finalement que d’une belle histoire.

Et si vous désirez quelque chose de plus proche du jeu vidéo tout en restant narratif, penchez-vous sur les jeux inspirés de livres dont vous êtes le héros. L’excellent (et lui aussi français) Out There peut plonger votre audience dans un voyage spatiale dont les lecteurs seront les héros, devant faire des choix narratifs, tout en assurant la gestion de leurs ressources (oxygene, carburant, etc). Ici encore un bon conteur pourra sublimer l’histoire, tout en effectuant les manipulations sur le jeu. Ce ne sont que quelques clics, qui remplacent les pages d’un livre à tourner.

Autre chose ?

Le COVID est passé par là et plutôt qu’imaginer un nettoyage systématique de toutes vos manettes entre chaque joueur (une activité fort peu passionnante) pour assurer un cadre sain à vos animations, essayez de repenser votre offre. Explorez de nouvelles façons de jouer, cherchez comment exploiter les possibilités de votre matériel au delà de vos habitudes, et vous trouverez sans doute des solutions pour proposer des animations originales.

Une célèbre expression dit : “C’est de la contrainte que naît la créativité”. Au niveau de la contrainte je pense qu’on a largement de quoi faire, il ne nous reste plus qu’à faire le reste.


Des questions, des remarques, n’hésitez pas à me contacter (formulaire juste en dessous) ou à me faire un retour d’expérience si vous avez mis en place une nouvelle animation suite à mon article.

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